AVENTURES VANUATAISES, PART.2 : LES AUTORISATIONS DE TOURNAGE

Publié le par JB

Le problème le plus important à résoudre dans un premier temps fut celui des autorisations de tournage. Yannick et Julien avaient bossé dessus ces derniers temps, mais une autorisation délivrée par les instances vanuataises coûtait cher - près de 3000€ - et il fallait en général attendre dix semaines avant de recevoir l'agrément de tournage, une commission se rassemblant pour étudier chaque demande dans les détails. N'ayant pas le budget pour passer par la voie officielle, notre équipe devait donc trouver une solution au plus vite afin de ne pas finir sur le volcan les caméras moisissant dans leur boîte, et les micros désespéremment éteints.

Michel, dont le réseau sur l'île est une toile dense après dix ans de visites régulières, a opté pour l'option la plus simple : aller voir directement la personne responsable des autorisations. Avec son tampon sur une feuille A4, n'importe quel bout de papier griffoné à la va-vite a valeur de sésame ; il ne reste donc plus qu'à le convaincre de nous laisser carte blanche sur le volcan. On se met donc en route pour le Centre Culturel de Port Vila.

La première chose qui me surprend, c'est la facilité d'accès d'une personne aux pouvoirs pourtant si étendus. On va toquer à la porte de son bureau, à l'arrière du centre, comme on irait déranger une vieille connaissance. Personne ne se soucie de nous. Les discussions engagés après quelques allers/venues dans les couloirs du bâtiment démarrent difficilement : le directeur ne veut pas entrendre parler d'une quelconque dérogation. L'équipe s'accroche et insiste ; je suis les tractations d'un oeil distant. Un coup Michel prend le directeur à part, un coup Julien se joint à eux et la conversation bouge du bureau dans les escaliers adjacents, ou des escaliers à une autre pièce... Après une heure de négociations polies, Michel a l'air confiant, la situation semble tourner à notre avantage. Une demi-heure plus tard, c'est la douche froide. Alors que le document officiel était à portée de main, un nouvel intervenant entre en jeu et fait preuve d'un appétit déraisonable : pour nous autoriser à tourner sur l'île, il nous demande un backchich de 1000€ en liquide, direction la poche de son pantalon. Les négociations s'arrêtent sur le champs ; c'est niet. NADA. On ne lâchera pas un centime à cet homme. On nous l'a présenté sous le titre de chef de l'île sur laquelle nous allons tourner le documentaire, mais il vit à Port Vila, sur Efate : quel pouvoir peut-il bien avoir sachant qu'il n'a aucune fonction officielle?

L'homme s'en va, il doit être frustré de ne pas avoir obtenu ce qu'il était venu chercher : une petite rallonge pour Noël. Nous, on reste sur place ; on cherche une solution. Les discussions continuent avec le directeur. Ce dernier est mal à l'aise, il vient de perdre aussi gros que nous dans l'affaire puisqu'on avait convenu de lui céder des images brutes du volcan et des villages vivant à ses pieds... Payer une équipe de tournage pour obtenir ces images lui coûterait une fortune, il n'a pas ce genre de ressources dans son budget développement. Notre accord préalable lui permettait d'enrichir la collection d'images de son Centre à coût nul ; c'était la panacée. Maintenant l'affaire est au point mort.

Michel essaie de relativiser l'importance du chef auprès du directeur. Il appuie sur le fait qu'il connait parfaitement chacun des chefs de village des lieux que nous allons traverser ; et de ce raquetteur, il n'a jamais entendu parler. Cela fait des années qu'il effectue le même parcours en tant que guide et il n'aura aucun probème à obtenir l'agréement des chefs sur place. Le directeur flanche, la perspective d'obtenir des images gratuitement pèse lourd dans la balance. Il accepte finalement de nous signer un papier nous autorisant à tourner sur le volcan. Ce qui devrait être une fête a un goût de fin de soirée : personne ne semble se réjouir totalement de l'issue de cette rencontre. Nous sommes heureux d'avoir obtenu cette autorisation après moultes tractations, mais une ombre plane sur le projet. Et si le chef venait à nous mettre des battons dans les roues? Qui est véritablement cet homme? Quel est son pouvoir de décision? On quitte donc le bureau du directeur le sésame en main et la tête soucieuse. On se dit on l'emmerde, mais dans un pays où la parole a autant de valeur que l'écrit, peut-on vraiment se mettre une personnalité à dos? Bien sûr que non.

 

P.S : Yannick a longuement répondu à l'article précédent. J'ai longtemps hésité à publier son commentaire en préambule de ce nouvel article, sachant que chaque mot que j'écris n'est que l'expression de ma subjectivité - et chaque avis a son importance dans un groupe. J'ai finalement décidé de ne pas le faire sans son consentement, je vous invite donc simplement à vous diriger vers le lien "commentaires" si ça vous intéresse. Yannick a sa vision des choses, basée sur deux années d'expérience dans le monde de l'audiovisuel en Nouvelle-Calédonie. Moi, je n'ai pas cette connaissance des îles, je juge donc avec mes armes affûtées à la française. Mon point de vue n'a pas plus de valeur que celui d'un autre.

Publié dans VANUATU

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