BYE BYE AUSTRALIA - SANS RANCUNE !

Publié le par JB

Je ne suis pas superstitieux, pourtant il y a des signes qui ne trompent pas : je ne suis pas le bienvenue en Australie.  J’ai conscience de l’absurdité d’une telle affirmation – comment un pays pourrait m’en vouloir personnellement ?!! –, aussi je n’en démords pas, ces derniers jours m’en ont apporté la preuve infaillible ; c’est dans les petits détails qu’une relation finit par mordre la poussière.

Avec Yee Ki, on a décidé d’un commun accord qu’il serait préférable que j’aille poser mes valises directement à Hong Kong après le mariage de Michaël – je ne mettrais plus les pieds en terre rouge, je n’aurais plus la tête à l’envers. Bye Bye Melbourne, le Grand Opéra et les kangourous, je retourne sous des cieux plus auspices, des cieux épicés. Colorés. Asiatiques.

J’écris d’Osaka où je suis en transit pour la journée et déjà la vie est plus douce, j’ai pu retirer un peu d’argent à mon arrivée et ainsi grignoter quelque chose. J’ai même pu me payer un cyber café à la japonaise pour la nuit (il s’agit de petits espaces privés fournis d’un futon assez fin, d’un ordinateur et parfois de la télé. Les boissons – chaudes et froides – sont gratuites et disponibles dans un espace commun, de même que des milliers de mangas, comics et autres magazines…) et après deux jours complets dans les transports ferroviaires et aéroportuaires, j’ai accueilli la perspective d’une bonne douche avec grand bonheur ! Mais j’avance trop vite, cet article se veut le récit de mes derniers jours en Australie… Opérons donc un petit retour en arrière.

SANS LE SOU – UNE HISTOIRE SANS FAIM

Le mois de janvier fut difficile d’un point de vue financier, sur les trois semaines que je comptais passer à la ferme, je n’ai véritablement travaillé qu’une semaine. Alors que j’avais déjà puisé dans mes réserves pour payer mon billet pour Taïwan, il a encore fallu que je trouve quelques dollars pour opérer ce changement de dernière minute qui me voit rejoindre ma dulcinée en terres cantonaises. Ajoutez à cela le billet de train Melbourne-Sydney que je n’avais pas encore acheté – ne sachant pas vraiment quand j’en aurais fini avec ma dernière ferme –, et j’avais la certitude de voir mes derniers deniers s’envoler en moins de temps que j’avais mis à les gagner. Je ne pensais pourtant pas avoir raison à ce point. J’ai bien failli ne jamais voir l’aéroport de Sydney.

Yee Ki m’appelle Tchun Tchun, ce qu’on peut traduire par « l’idiot ».  C’est dit sur un ton affectif, aussi « tête en l’air » ou « l’étourdi » seraient sans doute plus justes au sens figuré. Tchun tchun, je l’ai clairement été ces derniers jours, et pas qu’un peu… J’ai même touché au sens littéral ! A la recherche d’un bon plan pour mon vol Taïwan/Hong Kong, Yee Ki m’a fait parvenir un lien où les prix s’affichaient en HK dollars. Je me suis donc servi d’un convertisseur HK$/€ pour me donner une idée des prix. Convaincu que j’étais d’avoir dépensé 200$ dans l’affaire, j’ai fait un calcul rapide des économies qui restaient à ma disposition et j’ai décidé de me faire un dernier petit plaisir en allant au cinéma à l’occasion du cheap monday (les tickets sont à 7$ au lieu de 16$...) ; aussi j’ai enchainé deux séances et je me suis offert un bon burger. Dans ma tête, il devait me rester 50$ pour le reste du voyage jusqu’à Taïwan, soit cinq repas et quelques cafés à assurer… En me serrant la ceinture, je devais être capable d’y arriver. (Une fois arrivé à destination, ma dernière paie serait en toute logique déjà sur mon compte.) Seulement, tchun tchun que je suis, je n’ai pas réalisé sur le coup que j’avais payé 200€ pour le billet, et non 200$. Et les 50$ sur lesquels je comptais pour me nourrir n’étaient plus, ils avaient disparu dans la transaction électronique que j’avais sous-estimé… J’étais donc à court d’argent, et j’avais trois jours à tenir.

Coup de bol inespéré, j’avais déjà fait quelques courses pour le trajet Melbourne-Sydney que j’allais faire en train ; le sandwich que je me suis préparé m’a ainsi tenu de petit déjeuner, de déjeuner et de dîner. J’avais assuré le premier jour sans problème.

Arrivé à Sydney, il fallait encore que je paie pour la navette du centre-ville à l’aéroport : 15$ à trouver en faisant mes fonds de poche. J’avais 6$ sur moi et 9$ sur mon compte en banque (9$ impossibles à retirer comme vous pouvez vous en douter), aussi je me suis débrouillé pour faire un double paiement au guichet, sous les yeux circonspects du vendeur qui devait se demander si je n’étais pas un peu à côté de la plaque à voyager sans le sou. (Quand on n’a pas d’argent, on reste chez soi !) A mon grand soulagement, j’étais parvenu à l’aéroport et j’allais pouvoir quitter l’Australie à la première heure, le lendemain.

Dès l’achat de mon billet Sydney-Taipei (en fait Sydney-Gold Coast-Osaka-Taipei), je savais que j’allais devoir passer la nuit à l’aéroport national, les navettes du centre-ville ne couvrant que les vols à partir de 8h – le mien étant programmé à 7h. Dans une autre vie, j’aurais fait comme tout le monde et je me serais payé un taxi au petit matin, sauf que la question ne se posait même pas… Prêt à passé une nuit blanche sur un des sièges métalliques du Terminal 2, je ne m’attendais certainement pas à me faire virer de l’endroit, sorry we close at night. Fermé pour la nuit. L’agent de sécurité m’a donné le choix : soit j’allais dormir à l’aéroport international, à cinq minutes en navette de celui où je me trouvais, soit je dormais dehors. La navette en question ? 5$. Aller sans retour. J’ai donc dormi dehors, au plus grand plaisir des moustiques qui m’ont fait la fête toute la nuit. Quel festin ce JB ! Un sang bien sucré, toujours en abondance ! Heureusement qu’il fait une chaleur à mourir, il ne peut pas trop se couvrir sous peine d’asphyxier… Miam, miam heures dorées sous la lune ronde et pleine, que ce moment s’étire à l’infini, je ne suis pas tout à fait repu ! Venez mes amis, venez tous déguster ce bon JB ! Ce soir c’est buffet à volonté, profitons de ce don du ciel !

A 4h du matin, lorsqu’ils ont rouvert les portes de l’aéroport, c’est tout mon corps qui me grattait, mes chevilles, mes avant-bras, ma nuque… partout des stigmates de piqûres, des boutons fermes et irritants. Je me suis réfugié dans l’air climatisé du terminal Jetstar, j’ai branché mon ordinateur et j’ai attendu l’heure d’enregistrement de mon vol en navigant sur le net. A ma grande surprise, en surfant sur le site de ma banque australienne, j’ai découvert qu’il me restait 4$ sur un compte épargne dont je m’étais servi une fois, lorsque j’avais bien travaillé à Grima. 4$ étonnamment transférable sans frais sur mon compte courant, transaction immédiate. J’avais donc de quoi me payer un paquet de chips pour la journée ! Hourra ! (Chacun son festin…) Ce n’est pas cette fois-ci que je mourrais de faim.

Durant les huit heures de trajet de Gold Coast à Osaka, j’ai vu les gens s’empiffrer autour de moi – que de confiseries, de Coca et de café ! – et à aucun moment cela ne m’a gêné. On mange trop dans les avions, et on se retrouve ballonné, avec l’envie d’aller aux toilettes toutes les heures. C’est terriblement incommode. (J’ai oublié de préciser que Jetstar est une compagnie low cost, on y paie tout ce qu’on consomme ; c’est le Ryan Air australien.) Pour la première fois depuis longtemps, j’ai passé un vol agréable, le ventre vide et la tête lourde. J’ai dû dormir les trois quarts du temps… Après tout, ne dit-on pas « qui dort, dine » ? C’est plus économique, ça repose à la fois le corps et le porte-monnaie ! Ceci dit, je ne vous cacherais pas que ce fut un soulagement quand, arrivé à Osaka, j’ai pu retirer quelques sous. Car le plus frustrant n’est pas de se priver de nourriture pour quelques heures – tout le monde peut le faire –, c’est surtout le fait de ne pas avoir le choix. Ainsi, il est impossible d’affirmer « je n’en ai pas envie », le problème ne se situant aucunement du côté de l’envie… C’est une question de pouvoir (d’achat), et durant quelques heures, je me suis senti impuissant. Fragile. Vulnérable. Un Petit.

 

T’ATTENDRAS MON PETIT, ON PARTIRA QUAND ON SERA PRET

Je n’ai jamais eu à me plaindre des transports australiens, toujours fiables, toujours ponctuels. C’était jusqu’à hier. Pas un train, pas un avion à l’heure ; j’ai passé mon temps à attendre un départ qui ne voulait pas venir.

Tout a commencé mardi matin, alors que j’attendais sur le quai de la gare Southcross l’arrivée du train Melbourne-Sydney. Le départ était programmé à 8h30, aussi je m’étais rendu sur place 45 minutes plus tôt pour me débarrasser de mon sac imposant, le service ferroviaire australien offrant la possibilité d’enregistrer ses bagages de moins de 20kg comme à l’aéroport (à Sydney j’aurais juste à tendre mon reçu pour récupérer mon sac). Mon sac était trop lourd, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait que j’ai débarqué avec 32kg en Australie, lâchant au passage 100$ à la douane taïwanaise pour l’excédent bagages en question. Plutôt que de me trimballer encore douze heures ce mastodonte sur roulettes, j’ai éventré l’horrible ingrat (je l’ai vidé de son encombrant surpoids !, la graisse superflue finissant aux creux de mes mains rompues à l’exercice du porté de charges en tous genre), et j’ai abandonné derrière moi le squelette de mon sac à l’agent du dépôt des bagages. Je ne voyageais pas léger, mais il y avait tout de même une petite amélioration…

Sur le quai, la grande aiguille de l’horloge a frappé le 5 sans aucune conséquence, toujours pas de locomotive en vue. Le train était au départ de Melbourne mais il semblait ne jamais vouloir arriver.  La grande aiguille a tourné un petit moment autour du 6, puis elle l’a dépassé pour aller flirter avec le 7. Lorsqu’elle s’est mise à faire des avances au 8, une voix a annoncé le retard à l’arrivée du Sydney-Melbourne parti la veille et attendu bien plus tôt. Finalement, le train a montré son premier bout de cheminée cinq minutes plus tard, et une masse compacte s’est déversée sur le quai. Comme il était clair qu’il s’agissait de notre train – qui repartirait donc en sens inverse –, les passagers en devenir se sont rués à l’intérieur des wagons vidés de leurs occupants initiaux, et tranquillement ils se sont installés jusqu’à ce que les femmes de ménages débarquent et les virent tous. Place au nettoyage ! Sachant qu’un employé passe dans les wagons toutes les demi-heures avec un sac plastique pour ramasser les détritus et autres gobelets abandonnés à droite à gauche, ce qui aurait pu prendre cinq minutes en a inutilement pris vingt… Et c’est avec 40 minutes de retard que nous avons mis les voiles, en avant toute !

En France, il n’est pas rare de voir un train partir avec du retard pour finalement arriver à l’heure. Sans rentrer dans un grand débat sur l’efficacité de la SNCF, un train en retard aura souvent la priorité sur les autres, histoire qu’il grappille quelques minutes de ce retard lié à un problème à l’allumage. En Australie, un train en retard n’a pas la priorité sur les autres – on ne va tout de même pas bouleverser un système qui fonctionne à merveille pour une poignée de passagers à la traine ! –, ce qui a pour conséquence de voir la durée du retard s’allonger inexorablement...  (Allez, cinq minutes pour laisser passer ces wagons de fret ! Dix autres parce que le trafic est saturé…) Au bout du compte, c’est avec près de deux heures de retard que nous sommes arrivés à Sydney, et il n’y a aucune compensation financière dans ces cas-là en Australie…  

Certes, j’allais passer la nuit à l’aéroport – j’avais donc tout le temps du monde devant moi, pourquoi me presser ? Et bien tout simplement parce qu’il était 22h passées à mon arrivée à Sydney, et que je n’avais pas la moindre idée de l’heure à laquelle partait la dernière navette pour l’aéroport… Si je la ratais, cette dernière navette, j’avais de grande chance de rater également mon vol du lendemain matin, car à moins de marcher jusqu’à là-bas ou de faire du stop, je n’avais pas les moyens de m’y rendre autrement. Je me suis précipité jusqu’au guichet du réseau ferroviaire régional, tirant ma lourde valise derrière moi comme si elle pesait trois plumes. J’ai sué toutes les larmes de mon corps, épaisses et odorantes. J’ai mouillé mon t-shirt et bien plus encore ; j’ai pollué l’espace de senteurs inconfortables. A l’aéroport, j’ai bien tenté de faire un petit brin de toilette, mais il n’y avait pas de douche. Considérant le nombre de personnes chaque année en transit dans les aéroports, comment peuvent-ils encore se permettre d’oblitérer ce problème ? Lorsqu’on passe plus de 24h sur la route avant de prendre l’avion, une douche est primordiale au bien-être et au confort de la suite du voyage (surtout au confort de ses voisins me direz-vous…). A Osaka, ils ont des douches et pour 3€ on se sent nettement mieux !

Le lendemain matin, alors que j’avais passé la nuit sur un banc devant le Terminal 2 à me faire manger par les moustiques, l’avion que je devais prendre a fait des siennes et a refusé de décoller à l’heure initialement prévue. 7h : rien. 7h30 : rien. 8h : RIEN. Je commence à stresser un peu pour ma correspondance quand je reçois un texto de la part de Jetsar : « vol Gold Coast-Osaka décalé ». Tout va bien. 8h30, on nous annonce un changement de porte d’embarquement – il y a de l’amélioration dans l’air !, s’amuse mon cerveau d’humeur sarcastique. Si j’avais eu quelques sous, j’aurais même pu dormir à l’hôtel et prendre la première navette du matin… Mais soyons sérieux deux minutes, je suis fauché et ce n’est pas en louchant sur la machine à café que je vais pouvoir me payer une tasse de ce doux breuvage. Ah !, mon café du matin… torture suprême ! Je n’ai que mes yeux pour pleurer. Ça et les quelques pièces du Vanuatu qui trainent encore dans mon sac, et les 200$ taïwanais que j’ai un jour retrouvé dans la poche d’une de mes vestes (ça fait 5€ et puisque je m’y rends, quelle utilité de les changer ?). Alors que mon esprit commence à divaguer par manque cruel de caféine, on appelle mon vol au micro, je vais enfin pouvoir monter dans l’avion. Avec seulement deux heures de retard pour celui-ci.

Correspondance à Gold Coast et retard de nouveau. (Au moins j’avais été prévenu à l’avance par sms.) Cette fois-ci, il s’agirait d’un problème d’activité volcanique (sic). L’hôtesse essaie de nous tenir au courant mais elle ne fait que bredouiller d’incompréhensibles excuses. On attend le pilote pour en savoir plus, qu’elle nous raconte. Trois fois. Cinq fois. Dix fois. Ça ne serait pas de la faute du pilote par hasard ? Grosse cuite et réveil difficile ? Pour oser parler d’activité volcanique, j’imagine qu’il a dû passer la nuit bien agitée…  Vomir est effectivement une activité sismique terrifiante. V’la un peu d’lave, mon cher monsieur ! Quelles sont les sept saveurs du Vésuve ?!!!

Mais je rigole, rigole… ce n’est pas drôle ! Encore trois heures à poireauter pour rien dans le hall d’un aéroport australien. Australie qui me gâte en ces dernières heures partagées ! Si ce n’est pas de l’amour, je vous demande ce que c’est… La belle ne veut plus me laisser partir. Des cendres dans le ciel, qu’ils nous disent. Mais je ne suis pas dupe : elle me retient ! A moins qu’il s’agisse des cendres de notre relation depuis longtemps carbonisée. C’est une possibilité. Et pas des moindres. Des cendres, c’est tout ce qu’il nous reste à partager. Le foyer est mort, la flamme s’est éteinte. Je m’en vais en terres asiatiques, bye bye Australia.

Trois heures d’attente inutile et une arrivée dans une Osaka endormie plus tard, quelques japonais errent, hagards, dans le hall des arrivées ; ils ont dû rater leur correspondance intérieure. Réflexe désespéré, je me dirige vers un automate pour retirer de l’argent (on ne sait jamais…) ; j’introduis ma carte, je tape mon code, je réclame l’équivalent de 100$ et l’argent sort… miracle, ô miracle, je commence à croire qu’il n’y a pas de hasard : c’est l’air nippon qui l’a rendu possible. En Australie, j’aurais fini la journée en crève la faim puant la sueur. J’aurais dû dormir sur un banc de nouveau – un banc à l’extérieur de l’aéroport. Au Japon, j’ai de quoi me sustenter. J’ai un matelas pour reposer mon corps de ces heures de transport interminables. Et j’ai le droit de me laver. Que la douche fait du bien ! Elle débarrasse le corps de ses impuretés et la tête de pas mal de doutes. J’ai le moral à nouveau ! Les croûtes australiennes fuient par le trou d’évacuation des eaux, la douche m’aide à faire peau neuve. Plus de terre, plus de poussière, je suis en Asie et son air pollué me convient mieux. Je finirais peut-être avec les branches encombrées, mais au moins je partirais le sourire aux lèvres. Aujourd’hui, c’en est fini de l’Australie ! Allez y renifler son air pur si vous le voulez, moi je reste de ce côté-ci de l’hémisphère dorénavant. 

Publié dans AUSTRALIE

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E
<br /> Mon dieu ...et dire que j'ai passé des moments inoubliables en Australie .. J'en avais même versé ma larmichette de partir. Et d'un autre coté .. je suis tellement ecoeuré de ma boite que je peux<br /> plus voir un sushi en peinture !<br /> Manifestement Australie/Japon, d'un coté ou de l'autre ce sont des pays qui marquent !<br /> Bon courage pour la suite ... certaines de tes aventures font rêver .. mais j'avoue pour le coup la j'aurai pas voulu être à ta place ;-)<br /> gros bisous !<br /> <br /> <br />
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