JIBOU VS L'ABOMINABLE ADMINISTRATION

Publié le par JB

Dans dix jours, cela fera deux mois que je suis (ré)entré sur le territoire taïwanais, aussi mon visa touristique touchait à sa fin et je me devais de prendre une décision quant à cette échéance de plus en plus proche : partir en week-end à Macao la semaine prochaine ou demander une extension de visa.

J'ai longtemps tergiversé, car l'idée d'aller me balader quelques jours en Asie du sud-est me plaisait bien, forcément, mais mes réserves financières commencent à crier gare, et je ne me sens pas vraiment d'encaisser la fatigue causée par un nouvel A/R en avion. J'ai beaucoup bougé ces derniers mois, et même si j'ai encore des envies d'ailleurs qui me chatouillent les entrailles dès que j'ai un moment de flottement,  j'avoue que l'effort (financier et physique) exigé pour seulement trois jours de tourisme au pays des casinos made in China me paraissait démesuré par rapport au but initial qui était d'obtenir un tampon de plus dans mon passeport ; un tampon qui me permettrait de rester deux mois de plus à Taïwan.

 

Alors que j'aurais dû trancher dans le vif il y a déjà dix jours de cela, j'ai laissé trainer les choses jusqu'à me mettre dans une situation inconfortable. En effet, j'ai vu le prix des billets d'avion augmenter jour après jour, passant de 140€ à 180€, puis à 220€ (...) et je me serais sans doute ruiné inutilement si j'avais finalement opté pour cette solution.

Au lieu de cela, j'ai décidé d'aller faire un tour au Bureau de l'Immigration taïwanaise, et c'est là que le parcours du combattant commence...

 

Affronter l'administration de n'importe quel pays, vous le savez tout comme moi, c'est comme de s'attaquer à un monstre tentaculaire : il est impossible d'en venir à bout, il y a toujours un papier qui manque, une photo en N&B alors qu'elle devrait être en couleur, un document non authentifié, un manque de traduction... bref, dans le cas présent, autant acheter de suite un billet pour Hong Kong et revenir avec un nouveau visa, c'est s'épargner bien des tracas ! D'autant plus que l'administration taïwanaise, ce n'est pas un adversaire de niveau 1, c'est l'équivalent du boss de fin de nouveau, le maître dans son genre. Et accessoirement le plus dur à abattre.

 

Seulement voilà, j'étais motivé à l'idée de me frotter à la bestiole, je sortais tout juste du Choc des Titans et je me disais que si Persée pouvait terrasser le Kraken, je pouvais bien me débrouiller pour obtenir un malheureux tampon... (Ne riez pas, je me demande ce qui est le plus dur !) Je suis donc parti à l'assaut du précieux sésame, avec mes lames émoussées et mon chinois de pacotille.

 

Tout d'abord, j'ai appris que les démarches pouvaient prendre deux semaines. Dans ma tête, je me suis dit que je serais bien dans l'embarras s'il me manquait des pièces ou si on me refusait l'extension après ces deux semaines de réflexions, car d'ici-là je serais en situation irrégulière sur le territoire... trop tard pour faire demi-tour néanmoins, autant aller au combat sans réfléchir ! Et c'est ainsi que j'ai mis mon cerveau en stand by et que j'ai tenté ma chance avec la moitié des documents nécessaires à l'extension.

 

Hier, je suis arrivé sur place après avoir tourné en rond pendant une heure sans trouver. La porte était déjà fermée, j'arrivais en retard. J'allais devoir réessayer un autre jour. Après le déjeuner, aujourd'hui, je me suis mis en branle de nouveau, avec une légère appréhension au ventre. Cette fois-ci, la porte était grande ouverte et m'invitait à entrer. Je me suis saisi du formulaire à remplir et je me suis rendu compte que les photos que j'avais sur moi n'étaient pas réglementaires : il fallait des photos couleurs. Heureusement pour moi, les taïwanais ont l'esprit pratique, aussi il y avait un photomathon au sous-sol, juste à côté d'un bureau de poste (français, prennez-en de la graine !). Je fais de la monnaie et je me fais photographier ; je suis alors prêt à titiller la patience de n'importe quel fonctionnaire.

 

Il y a trois files d'attente différentes : une pour les chinois, une pour les ressortissants d'asie du sud-est et une dernière pour les autres. A ma grande surprise, lorsque je prends le ticket sur lequel est indiqué le numéro de passage aux guichets, j'ai moins de dix numéros à passer. L'attente sera courte.

 

A l'appel de mon numéro, je me dirige vers la dame en question et je sors les armes. Je pointe le formulaire dans sa direction et je dégaine mon passeport en même temps que mon plus beau sourire ; elle se saisit du tout, sans un mot. Cinq secondes plus tard, elle relève les yeux, sous le charme : "vous êtes français" qu'elle me dit, "j'y vais le mois prochain !"

Je la regarde droit dans les yeux et je lui réponds "vous avez bien de la chance, c'est un bien beau pays." Elle commence à tourner les pages de passeport et me demande si je suis déjà venu auparavant. Sûr !, l'année dernière, trois semaines. "J'ai fait du tourisme et c'est ainsi que j'ai su que je voulais venir apprendre le chinois quelques mois." Elle me sourit et réplique d'un air rêveur "peut-être que je ferais comme vous... je retournerais l'année prochaine en France pour étudier !" "Vous auriez tord de ne pas le faire !" que j'articule, conscient que la partie est en train de se jouer à ce moment-là. Elle me propose de me montrer son itinéraire, j'accepte volontier. Elle sort un papier d'un tiroir de son bureau et me le tend. (Pour une fois, je pense très haut, voilà une touriste qui ne va pas se contenter de visiter Paris... en effet, son programme commence par le sud-est et elle remonte doucement le long de la vallée du Rhône.) Je lui prévois un séjour magnifique et elle me rend mon passeport sans avoir exigé les cinquante mille documents nécessaires à l'extension. Je l'ouvre d'un oeil inquiet et découvre que le tampon que j'étais venu chercher s'y trouve bel et bien appliqué. Je reste interdit.

 

D'un geste naturel, elle récupère son itinéraire et m'invite à rejoindre la sortie, ravie de ma visite. Je me lève, je bredouille quelques remerciements et je file au plus vite avant qu'elle n'appelle la sécurité ! (On ne sait jamais, elle pourrait changer d'avis !)

Dehors, je vérifie une nouvelle fois que mon visa est bien valable deux mois de plus... oui, pas de doute à avoir, tout semble réglementaire. Je regarde derrière moi et je me dis que le plus terrible des monstres peut parfois paraitre bien docile quand on sait comment l'amadouer !

 

En tous cas, j'ai vaincu le Kraken par K.O., et j'ai même gagné une série de photos toutes neuves par la même occasion ! Je suis Persée et je ne crains personne, ah ah ah !!!

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A
<br /> Salut Monsieur!<br /> Petit commentaire pour te dire que je te lis de temps en temps sans prendre le temps de t'écrire (désolée...ma thèse me vole ma vie!). Je suis contente de voir que tout se passe bien pour toi...Le<br /> JB d'Asie est plein de surprises! des bisous<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Merci pour le commentaire ! J'ai un peu ralenti le rythme des posts, ça doit être plus facile à suivre quand on n'a pas le temps de passer sa vie sur le net !...  J'espère que ta thèse<br /> touche doucement à sa fin et que tu vas enfin pouvoir retrouver une vie normale.<br /> <br /> <br /> Il faudrait que je prenne exemple sur toi et que je sois un peu plus sérieux, mais je crois que ces mois de parenthèse me font du bien... Le boulot attendra que je sois sûr de savoir ce que je<br /> veux faire à court therme.<br /> <br /> <br /> J'espère que les surprises dont tu parles sont de bonnes surprises !<br /> <br /> <br /> Plein de bisous, JB.<br /> <br /> <br /> <br />