UNE VIE SANS CINEMA
Ce week-end, j'ai prévu de me faire une toile. Ce sera la première depuis mon arrivée à Taipei, il y a de ça presque un mois. Une révolution.
Pour quelqu'un qui était habitué à voir tout et n'importe quoi, quatre à cinq fois par semaine, ça ressemble à un régime sans pellicule ; une cure de soleil, loin des salles obscures. Je me suis tenu à l'écart des cinémas.
Le plus dur fut de ne pas céder par réflexe, la première semaine, parce que c'est ce que j'ai toujours fait depuis près de quinze ans : aller voir des films. Blockbusters, classiques, indépendants, français, chinois, russes, confidentiels... j'allais tout voir. Par envie, par ennui et puis par habitude également.
Il a fallu que je calme l'instinct qui me menait droit vers les affiches des films dès que j'avais un petit moment de répis, ou que je ne savais pas ce que j'allais faire ensuite. Une fois passés les dix premiers jours, c'est devenu plus facile d'éviter les multiplexes, la tentation était moins grande. Par deux occasions, je me suis retrouvé à vérifier les horaires à l'entrée d'un Viewshows Cinema, mais les films susceptibles de m'intéresser n'étaient pas diffusés avant plus d'une heure, et je n'ai pas souhaité patienter. D'ordinaire, je me serais posé dans un café et j'aurais attendu la séance. Là, je suis rentré chez moi. Le pouvoir d'attraction de la toile se fait de plus en plus faible. Et si je dois céder, je le ferai surtout par envie, parce que le film me plait. Je ne ressens plus aucune obligation envers cette passion que j'ai si longtemps embrassé. J'aime toujours autant le cinéma, ne vous méprenez pas sur mes mots, je dis seulement que je me trouve aujourd'hui libéré de la culpabilité de rater une sortie. Sentiment qui m'a habité des années, alors que je ne trouvais pas forcément le temps de tout voir.
Finalement, le dernier que je me sentirais coupable d'avoir raté, c'est Bright Star de Jane Campion. J'étais encore en France à cette époque... Depuis, j'ai laissé passer Sherlock Holmes, Invictus, et d'autres films dont les noms m'échappent -c'est que j'ai bien fait de m'abstenir ! Il y a également quelques productions chinoises qui ont attiré mon attention, mais pas au point d'avoir acheté un ticket. (Confucius, 14 Blades, Assassins and Bodyguards...) J'ai littéralement zappé un mois de cinéma. ça représente pour moi près de vingt films non visionnés, entre 30h et 40h de programme : plus d'une journée de ma vie ! J'AI ECONOMISE UNE JOURNEE DE MA VIE !!! Temps que j'ai utilisé différemment.
Cette semaine on a eu droit au dernier bébé d'Europacorp : From Paris with Love, sorti une semaine avant la France, et The Wolfman, en même temps que chez vous. Je n'ai pas encore décidé ce que j'irais voir, ce sera surtout une affaire de choix sur place. Puisque le choix à Taïwan n'est pas vraiment le même qu'en France, loin de là... Peu de films indés, pas d'art & essai, et des multiplexes de 6 salles maxi, ce qui limite sérieusement la carrière d'un film qui disparait vite des écrans. En gros, on a deux semaines pour se bouger les fesses, à moins d'un immense succès à la Avatar, sinon le film est déjà passé à la trappe. De plus, le circuit est alimenté à 50% par les productions asiatiques que je ne peux pas regarder sans sous-titres anglais. Le choix est donc très restreint.
En relisant ces dernières lignes, je me dis que je n'ai pas choisi le meilleur week-end pour retrouver le chemin des salles obscures, mais je n'ai pas trop le choix, quasiment tout sera fermé. Il n'y aura personne dans la rue. Rien d'autre à faire que de rester chez soi. Ce week-end, c'est le nouvel an chinois et 95% de la population le passe en famille, sans sortir des deux jours. Il faudra bien que je m'aère la tête. Je pourrais me contenter d'arpenter les axes déserts de la ville endormie, mais ça risquerait d'être un brin déprimant. Au lieu de cela, je préfère rejoindre une vieille maitresse, elle sait comment me satisfaire. Des lumières qui s'éteignent, une musique qui monte en puissance. Un logo qui s'affiche et des noms qui défilent... c'est parti pour un moment de détente hors du temps, que l'on me raconte une histoire ! ça fait longtemps que je ne me suis pas procuré ce petit plaisir, quelque part ça m'a forcément manqué. Le fait d'y aller moins souvent me rendra sûrement la joie de mes quinze ans, quand chaque séance étaient encore un moment d'exception. C'était rare à l'époque, ça le redevient aujourd'hui. Je veux tout simplement retrouver l'état d'émerveillement qui m'habitait alors à la sortie d'un film. J'avais des étoiles dans les yeux et je ne jurais que par le cinéma. J'étais si jeune...
Qu'il est loin ce temps où travailler dans le cinéma était un rêve ! Un rêve écrasé par la réalité d'un milieu dans lequel j'ai trempé, mon quotidien alors partagé entre l'ennui et l'attente, trop rarement illuminé par des éclats de bonheur : celui d'être sur un plateau avec la sensation de participer à un projet qui en vaut la peine. On n'est pas libre quand on est intermittent, on dépend du désir des autres. Et je ne pouvais pas tenir plus longtemps, j'aime voler de mes propres ailes. Je reviendrais un jour, et je reprendrais là où j'en étais. Peut-être. Je ne ressens pas d'obligation de ce côté non plus. Tout comme je ne ressens pas l'obligation de finir Les Petits Soldats, alors qu'il s'agit là de ma dernière cartouche. Il souffle à Taïwan un vent d'indépendance dont ses habitants se réclament. Je suis ici et j'ai le choix de la direction à donner à ma vie. Cinéma or not cinéma, that is the question. Et pour l'instant, force est de constater que j'y arrive très bien sans.
Pour quelqu'un qui était habitué à voir tout et n'importe quoi, quatre à cinq fois par semaine, ça ressemble à un régime sans pellicule ; une cure de soleil, loin des salles obscures. Je me suis tenu à l'écart des cinémas.
Le plus dur fut de ne pas céder par réflexe, la première semaine, parce que c'est ce que j'ai toujours fait depuis près de quinze ans : aller voir des films. Blockbusters, classiques, indépendants, français, chinois, russes, confidentiels... j'allais tout voir. Par envie, par ennui et puis par habitude également.
Il a fallu que je calme l'instinct qui me menait droit vers les affiches des films dès que j'avais un petit moment de répis, ou que je ne savais pas ce que j'allais faire ensuite. Une fois passés les dix premiers jours, c'est devenu plus facile d'éviter les multiplexes, la tentation était moins grande. Par deux occasions, je me suis retrouvé à vérifier les horaires à l'entrée d'un Viewshows Cinema, mais les films susceptibles de m'intéresser n'étaient pas diffusés avant plus d'une heure, et je n'ai pas souhaité patienter. D'ordinaire, je me serais posé dans un café et j'aurais attendu la séance. Là, je suis rentré chez moi. Le pouvoir d'attraction de la toile se fait de plus en plus faible. Et si je dois céder, je le ferai surtout par envie, parce que le film me plait. Je ne ressens plus aucune obligation envers cette passion que j'ai si longtemps embrassé. J'aime toujours autant le cinéma, ne vous méprenez pas sur mes mots, je dis seulement que je me trouve aujourd'hui libéré de la culpabilité de rater une sortie. Sentiment qui m'a habité des années, alors que je ne trouvais pas forcément le temps de tout voir.
Finalement, le dernier que je me sentirais coupable d'avoir raté, c'est Bright Star de Jane Campion. J'étais encore en France à cette époque... Depuis, j'ai laissé passer Sherlock Holmes, Invictus, et d'autres films dont les noms m'échappent -c'est que j'ai bien fait de m'abstenir ! Il y a également quelques productions chinoises qui ont attiré mon attention, mais pas au point d'avoir acheté un ticket. (Confucius, 14 Blades, Assassins and Bodyguards...) J'ai littéralement zappé un mois de cinéma. ça représente pour moi près de vingt films non visionnés, entre 30h et 40h de programme : plus d'une journée de ma vie ! J'AI ECONOMISE UNE JOURNEE DE MA VIE !!! Temps que j'ai utilisé différemment.
Cette semaine on a eu droit au dernier bébé d'Europacorp : From Paris with Love, sorti une semaine avant la France, et The Wolfman, en même temps que chez vous. Je n'ai pas encore décidé ce que j'irais voir, ce sera surtout une affaire de choix sur place. Puisque le choix à Taïwan n'est pas vraiment le même qu'en France, loin de là... Peu de films indés, pas d'art & essai, et des multiplexes de 6 salles maxi, ce qui limite sérieusement la carrière d'un film qui disparait vite des écrans. En gros, on a deux semaines pour se bouger les fesses, à moins d'un immense succès à la Avatar, sinon le film est déjà passé à la trappe. De plus, le circuit est alimenté à 50% par les productions asiatiques que je ne peux pas regarder sans sous-titres anglais. Le choix est donc très restreint.
En relisant ces dernières lignes, je me dis que je n'ai pas choisi le meilleur week-end pour retrouver le chemin des salles obscures, mais je n'ai pas trop le choix, quasiment tout sera fermé. Il n'y aura personne dans la rue. Rien d'autre à faire que de rester chez soi. Ce week-end, c'est le nouvel an chinois et 95% de la population le passe en famille, sans sortir des deux jours. Il faudra bien que je m'aère la tête. Je pourrais me contenter d'arpenter les axes déserts de la ville endormie, mais ça risquerait d'être un brin déprimant. Au lieu de cela, je préfère rejoindre une vieille maitresse, elle sait comment me satisfaire. Des lumières qui s'éteignent, une musique qui monte en puissance. Un logo qui s'affiche et des noms qui défilent... c'est parti pour un moment de détente hors du temps, que l'on me raconte une histoire ! ça fait longtemps que je ne me suis pas procuré ce petit plaisir, quelque part ça m'a forcément manqué. Le fait d'y aller moins souvent me rendra sûrement la joie de mes quinze ans, quand chaque séance étaient encore un moment d'exception. C'était rare à l'époque, ça le redevient aujourd'hui. Je veux tout simplement retrouver l'état d'émerveillement qui m'habitait alors à la sortie d'un film. J'avais des étoiles dans les yeux et je ne jurais que par le cinéma. J'étais si jeune...
Qu'il est loin ce temps où travailler dans le cinéma était un rêve ! Un rêve écrasé par la réalité d'un milieu dans lequel j'ai trempé, mon quotidien alors partagé entre l'ennui et l'attente, trop rarement illuminé par des éclats de bonheur : celui d'être sur un plateau avec la sensation de participer à un projet qui en vaut la peine. On n'est pas libre quand on est intermittent, on dépend du désir des autres. Et je ne pouvais pas tenir plus longtemps, j'aime voler de mes propres ailes. Je reviendrais un jour, et je reprendrais là où j'en étais. Peut-être. Je ne ressens pas d'obligation de ce côté non plus. Tout comme je ne ressens pas l'obligation de finir Les Petits Soldats, alors qu'il s'agit là de ma dernière cartouche. Il souffle à Taïwan un vent d'indépendance dont ses habitants se réclament. Je suis ici et j'ai le choix de la direction à donner à ma vie. Cinéma or not cinéma, that is the question. Et pour l'instant, force est de constater que j'y arrive très bien sans.